Embrassade et ambassade

Célébration œcuménique – semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2017 –
Couvent des Clarisses de Cormontreuil – message du pasteur Pascal Geoffroy – 2 Corinthiens 5, 14 – 20.

Embrassade et ambassade

les épîtres de l’apôtre Paul ne sont pas des écrits dogmatiques. Ce sont des lettres. Ce sont les premiers écrits du Nouveau Testament. Ce sont des lettres, c’est à dire des billets de circonstances qui expriment des sentiments passionnés entre des personnes qui se connaissent – ici Paul et les chrétiens de Corinthe, s’aiment et parfois se disputent. La doctrine chrétienne n’est pas fixée, à l’époque où Paul écrit aux Corinthiens, comme elle l’est aujourd’hui. Mais la pensée chrétienne qui imprègne toute cette correspondance est frémissante de vie, parce que justement, elle n’est pas une pensée chrétienne, mais une présence du Christ vivant. Voilà d’où vient la puissance des épîtres.

Le passage proposé à notre lecture ce soir commence par ses mots : « l’amour du Christ nous étreint ». Dans d’autres traductions, vous lirez : « l’amour du Christ nous presse ». Je préfère la traduction œcuménique de la Bible. Elle choisit un mot qui évoque une étreinte.

Une étreinte !

L’amour du Christ nous tient dans ses bras, l’amour du Christ nous embrasse. Nous sommes avec ce vocabulaire familier, dans une réalité relationnelle, affective, protectrice. Souvenons-nous de la simplicité, de l’ampleur et de la générosité de ce geste, lorsque tout à l’heure, nous échangerons un geste de paix !

Un lien extraordinairement fort nous unit désormais au Christ. Il nous étreint !

Cet amour du Christ envers nous est tellement saisissant qu’il nous saisit justement.

Car poursuit l’apôtre, Jésus a tellement relié sa vie à la nôtre qu’il est mort pour tous, et non seulement il est mort pour toi et pour moi, mais il est aussi ressuscité pour toi et pour moi, pour tous. Ainsi, il fait de nous une nouvelle créature. Nous sommes liés à Lui pour la  mort et pour la vie. Éternelle !

Loin du Christ, le monde est vieux, flétri, mourant. Loin du Christ, notre vie est vieille, usée, à l’agonie, mais près de lui, dans ses bras, dans son étreinte, notre vie se rénove, devient florissante et porte du fruit.

Dans l’Évangile, la mort précède la vie, la vieillesse précède la jeunesse ; la nuit, l’aurore ; comme l’offense précède le pardon.

L’amour de Christ nous étreint !

Le Père céleste aurait pu nous éloigner de Lui : nous avons pensé et fait tant de choses atroces et honteuses. Mais au lieu de nous tenir à distance, au lieu de nous écarter, au lieu de détourner le regard, en Christ il nous a rapproché de Lui, il nous a étreint de sa grâce et de son amour. En Christ, Dieu le Père n’est plus un Dieu sévère, exigeant le châtiment du coupable. Il apparaît comme une fontaine inépuisable de miséricorde gratuite.

Mais il y a plus encore, il nous a confié une mission. Après l’embrassade, c’est l’ambassade !

Le Père nous a confiés, en Christ, écrit l’apôtre Paul, « une ambassade », un ministère, une responsabilité : celle d’annoncer autour de nous la réconciliation et la paix. Le souverain du monde a fait de nous ses ambassadeurs ! Nous ne sommes pas les ambassadeurs d’un prince étranger. Nous sommes les ambassadeurs de celui qui nous a réconcilié avec lui. Nous sommes les ambassadeurs de la réconciliation que que nous avons reçue.

Dans notre monde occidental, aujourd’hui de plus en plus sécularisé, nous pouvons être tentés parfois de regretter les vestiges de la civilisation chrétienne qui s’effondre sous nos yeux. Ne nourrissons aucun regret, aucune nostalgie. Notre Dieu fait toute chose nouvelle aujourd’hui ! Un monde ancien est passé, écrit Paul. Avec ce monde qui s’en va, s’en vont aussi nos lectures identitaires catholique et protestantes de ce passage de 2 Corinthiens. Nos prédécesseurs en effet lisaient ces versets en se querellant violemment sur le ministère de la réconciliation des péchés : comment obtient-on le pardon ? Quel est le ministère qui peut pardonner ?

Quelle contradiction quand même que se disputer et se condamner mutuellement, catholiques et protestants, au sujet de la réconciliation ! Nous regardions à nous-mêmes plutôt que de regarder au Christ.

Nous armions nos bras pour des affrontements peu cléments au lieu de nous laisser ensemble étreindre par l’amour du Christ.

Mais, dans ce monde où tout passe, même les valeurs, même les institutions, le Christ demeure le même. Son étreinte reste ardente. Elle traverse les circonstances historiques et demeure une force de renouvellement sans équivalent.

Dans une société de plus en plus déshumanisée où les personnes souffrent et ignorent souvent tout de la réconciliation et de la paix du Christ, quel privilège pour nous de connaître l’amour du Christ qui nous étreint et nous envoie en mission diplomatique, en ambassadeur. Pendant que nous sommes ainsi ses ambassadeurs, il continue de nous étreindre. Nous n’avançons donc jamais seul, mais avec Lui, toujours avec Lui !

« Son amour nous étreint… Dieu lui-même vous adresse un appel : au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu. »

Amen !